Transhumanisme et posthumanisme entre réalités et imaginaires
Approche littéraire et
philosophique
Le transhumanisme est un ensemble de considérations sur l’avenir
de l’humanité et d’aspirations relatives à cet avenir, qui se réfèrent plus
spécialement à la modification de l’homme par la technologie et par la science.
Son horizon est celui d’un homme « augmenté » ou
« amélioré » grâce à des dispositifs biologiques ou mécaniques.
L’homme est peut-être actuellement entré dans une évolution ouverte sur la
sélection artificielle et la manipulation génétique, ce qui évoque une
temporalité « exodarwinienne » (Michel Serres). La figure littéraire
et cinématographique de l’homme « bionique » en donne un témoignage,
comme un certain nombre d’évolutions disciplinaires et interdisciplinaires dans
la recherche et dans le monde artistique. S’il existe une définition
consensuelle du transhumanisme (comme courant culturel et philosophique prônant
l’usage des sciences et des techniques dans le but d’améliorer l’humain), la
notion même de posthumanisme fait l’objet de nombreuses confusions et
définitions contradictoires. En particulier, la compréhension du posthumanisme
comme courant d’idées qui pousserait à l’extrême les thèses du transhumanisme
en promouvant l’avènement d’entités radicalement post-humaines (et plus seulement trans-humaines), témoigne d’un
vaste malentendu sur la nature du courant posthumaniste. En effet, le courant
posthumaniste était apparu bien avant que le transhumanisme ne se constituât
comme courant de pensée, et il s’exprima diversement en philosophie, dans la
littérature, les œuvres cinématographiques et dans toute forme d’art. Le posthumanisme se scinde en deux
branches : le posthumanisme philosophique et culturel et le posthumanisme technoscientifique.
Transhumanisme et
posthumanisme s’accordent toutefois sur la nécessité de réinterroger d’une
manière critique l’humanisme classique dont nous sommes les héritiers. En fait,
la critique de la pensée humaniste s’élabore aussi dans le structuralisme, en
opposition avec la pensée des Lumières et en réaction aux tragédies du XXe
siècle (guerres mondiales, génocides de masse, etc.). Elle s’exprime également
dans la pensée poststructuraliste et postmoderniste, du fait du statut
désormais tout relatif donné à la figure du sujet humain individuel et à ses
attributs traditionnellement reconnus (comme la liberté). On trouve aussi une
contestation de l’humanisme au cœur de la philosophie de la technique
lorsqu’elle s’inspire de certaines considérations de Martin Heidegger. Dans ce
courant d’idées, la contestation de l’humanisme classique invite à rompre très
largement avec l’idée d’une affirmation de la dignité de l’homme qui
s’exprimerait par une maîtrise du monde laissant intacte la condition humaine
ou la nature du sujet humain lui-même. La pensée « posthumaniste »
s’inscrit ainsi, dans la seconde moitié du 20ème siècle, dans un
vaste mouvement de déconstruction des conceptions classiques de l’humain et de
son organisation sociale. Loin d’être conditionnée par les évolutions
techniques, cette culture critique n’a cessé de favoriser une interrogation
fondamentale sur ces évolutions elles-mêmes.
Envisagé comme enceinte de réflexion critique, le posthumanisme philosophique et
culturel aborde en général les développements du transhumanisme avec
circonspection. Il représente les enjeux actuels de la cybernétique et envisage
les implications politiques, sociales, philosophiques et éthiques des
développements technoscientifiques d’une façon sensiblement différente du
transhumanisme.
A l’instar du
transhumanisme, la science-fiction s’est aussi saisie de la quête de
l’immortalité, du bonheur et de la jeunesse éternelle qui ont tourmenté l’homme
depuis l’âge des mythes ; les récits de science-fiction sont nourris des
figures du cyborg, du cyberespace, de l’hacker, de l’androïde et de
l’intelligence artificielle. L’hypothèse du séminaire est que la littérature
posthumaniste diffère de la littérature de science-fiction, tant par sa
dimension de critique radicale des idéaux du transhumanisme, que par ses buts
et son statut littéraire. Le but de la littérature posthumaniste est
d’influencer la perception sociale et l’appropriation sociétale de l’idée de
transhumanisme, d’en développer fonctionnellement les idées, voire d’en mener
la critique.
Ce que nous
appelons en effet la littérature posthumaniste est une littérature écrite dans
un contexte tout à fait particulier, qui utilise la technique et la science
dans l’objectif de se doter d’un langage approprié aux transformations
auxquelles nous assistons aujourd’hui. C’est dans le cadre du posthumanisme
philosophique et culturel et en référence au transhumanisme - sans lequel le
posthumanisme même perdrait une partie de sa dimension de critique sociale -
que s’inscrit la littérature posthumaniste
L’élaboration de
ces textes littéraires recourt aux ingrédients principaux de l’intertextualité,
de l’interdisciplinarité, du macabre, du complot, et de la déconstruction de la
subjectivité, de la recherche de la perfectibilité et de l’asexualité…
Tout en
critiquant les univers du transhumanisme, la littérature posthumaniste
sollicite aussi paradoxalement les concepts et le vocabulaire des textes transhumanistes.
Le séminaire entend donc étudier les façons dont la littérature posthumaniste
française, en développant un rapport critique singulier à ses objets, se
différencie des modalités classiques de la littérature de science-fiction et
des dystopies en se constituant en genre à part dans le cadre de la littérature
contemporaine française. La littérature posthumaniste ne relèverait pas par
ailleurs de la fiction d’anticipation mais du registre de la « fiction
critique spéculative ». Les récits de fiction posthumanistes seraient donc
spéculatifs et critiques. Ils se distingueraient ainsi des récits de
science-fiction et des dystopies.
Programme des séances
Les séances seront animées par Domnique Viart et Mara
Magda Maftei :
19 novembre 2020
de 14h à 17h Visio-conférence – Séance animée par Domonique Viart et Mara Magda
Maftei
• Conférence de
Pierre Cassou-Noguès, Professeur de Philosophie, Université Paris 8 :
« Comment nous sommes devenus des psycho-machines »
• Pierre
Ducrozet, écrivain, dialogue autour de son roman L’Invention des corps, Actes
Sud, 2017
Pour visualiser la séance :
https://drive.google.com/file/d/11tKYxfMELYt4JzkCs1IZUreCrrBIfrLa/view?usp=sharing
4 décembre de
14h à 17h Visio-conférence – Séance animée par Jean Marc Moura et Mara Magda
Maftei
• Conférence de
Paul Laurent Assoun, psychanalyste, professeur émérite à l'Université Paris
VII, « Le fictionnement transhumaniste : la nostalgie du futur et son
écriture prothétique ».
• Rencontre avec Isabelle Jarry, écrivaine, dialogue autour de son roman Magique aujourd'hui, Gallimard, 2015 et Contre mes seuls ennemis, Stock, 2009
https://drive.google.com/file/d/1UbDUJI1WUb9JZ_OVofmF-3e9-6sE_JTD/view?usp=sharing
28 janvier de
14h à 17h Bibliothèque Universitaire de L’Université Paris Nanterre
• Conférence de
Jean-Yves Goffi, Professeur émérite de Philosophie à l'Université
Grenoble-Alpes « Le transhumanisme à la recherche de la perfection »
• François-Régis
de Guenyveau, écrivain, dialogue autour de son roman Un dissident, Albin
Michel, 2017
https://drive.google.com/file/d/1Fknf_4fKhU12SF9O5JZ84uf1IdvZGTks/view?usp=sharing
12 février de
14h à 17h Bibliothèque Universitaire de L’Université Paris Nanterre
• Conférence de
Jean-Paul Engélibert, Professeur de littérature comparée à l’Université
Bordeaux-Montaigne: « Ethique et mélancolie dans quelques romans du posthumain
»
• Anne-Marie
Garat, écrivaine, dialogue autour de son roman Programme sensible, Actes Sud,
2013
https://drive.google.com/file/d/1_GFM0jZqqN-0d4oilD1bZrBl2_xUidfN/view?usp=sharing