Séminaires de recherche

 

Année universitaire 2020-2021

Séminaire « Transhumanisme et posthumanisme : Approches littéraires et philosophiques », co-animé avec Dominique Viart, Observatoire des Écritures contemporaines, Université Paris Nanterre

Le transhumanisme est un ensemble de considérations sur l’avenir de l’humanité et d’aspirations relatives à cet avenir, qui se réfèrent plus spécialement à la modification de l’homme par la technologie et par la science. Son horizon est celui d’un homme « augmenté » ou « amélioré » grâce à des dispositifs biologiques ou mécaniques. L’homme est peut-être actuellement entré dans une évolution ouverte sur la sélection artificielle et la manipulation génétique, ce qui évoque une temporalité « exodarwinienne » (Michel Serres). La figure littéraire et cinématographique de l’homme « bionique » en donne un témoignage, comme un certain nombre d’évolutions disciplinaires et interdisciplinaires dans la recherche et dans le monde artistique. S’il existe une définition consensuelle du transhumanisme (comme courant culturel et philosophique prônant l’usage des sciences et des techniques dans le but d’améliorer l’humain), la notion même de posthumanisme fait l’objet de nombreuses confusions et définitions contradictoires. En particulier, la compréhension du posthumanisme comme courant d’idées qui pousserait à l’extrême les thèses du transhumanisme en promouvant l’avènement d’entités radicalement post-humaines (et plus seulement trans-humaines), témoigne d’un vaste malentendu sur la nature du courant posthumaniste. En effet, le courant posthumaniste était apparu bien avant que le transhumanisme ne se constituât comme courant de pensée, et il s’exprima diversement en philosophie, dans la littérature, les œuvres cinématographiques et dans toute forme d’art. Le posthumanisme se scinde en deux branches : le posthumanisme philosophique et culturel et le posthumanisme technoscientifique.

Transhumanisme et posthumanisme s’accordent toutefois sur la nécessité de réinterroger d’une manière critique l’humanisme classique dont nous sommes les héritiers. En fait, la critique de la pensée humaniste s’élabore aussi dans le structuralisme, en opposition avec la pensée des Lumières et en réaction aux tragédies du XXe siècle (guerres mondiales, génocides de masse, etc.). Elle s’exprime également dans la pensée poststructuraliste et postmoderniste, du fait du statut désormais tout relatif donné à la figure du sujet humain individuel et à ses attributs traditionnellement reconnus (comme la liberté). On trouve aussi une contestation de l’humanisme au cœur de la philosophie de la technique lorsqu’elle s’inspire de certaines considérations de Martin Heidegger. Dans ce courant d’idées, la contestation de l’humanisme classique invite à rompre très largement avec l’idée d’une affirmation de la dignité de l’homme qui s’exprimerait par une maîtrise du monde laissant intacte la condition humaine ou la nature du sujet humain lui-même. La pensée « posthumaniste » s’inscrit ainsi, dans la seconde moitié du 20ème siècle, dans un vaste mouvement de déconstruction des conceptions classiques de l’humain et de son organisation sociale. Loin d’être conditionnée par les évolutions techniques, cette culture critique n’a cessé de favoriser une interrogation fondamentale sur ces évolutions elles-mêmes.

Envisagé comme enceinte de réflexion critique, le posthumanisme philosophique et culturel aborde en général les développements du transhumanisme avec circonspection. Il représente les enjeux actuels de la cybernétique et envisage les implications politiques, sociales, philosophiques et éthiques des développements technoscientifiques d’une façon sensiblement différente du transhumanisme.

A l’instar du transhumanisme, la science-fiction s’est aussi saisie de la quête de l’immortalité, du bonheur et de la jeunesse éternelle qui ont tourmenté l’homme depuis l’âge des mythes ; les récits de science-fiction sont nourris des figures du cyborg, du cyberespace, de l’hacker, de l’androïde et de l’intelligence artificielle. L’hypothèse du séminaire est que la littérature posthumaniste diffère de la littérature de science-fiction, tant par sa dimension de critique radicale des idéaux du transhumanisme, que par ses buts et son statut littéraire. Le but de la littérature posthumaniste est d’influencer la perception sociale et l’appropriation sociétale de l’idée de transhumanisme, d’en développer fonctionnellement les idées, voire d’en mener la critique.

Ce que nous appelons en effet la littérature posthumaniste est une littérature écrite dans un contexte tout à fait particulier, qui utilise la technique et la science dans l’objectif de se doter d’un langage approprié aux transformations auxquelles nous assistons aujourd’hui. C’est dans le cadre du posthumanisme philosophique et culturel et en référence au transhumanisme - sans lequel le posthumanisme même perdrait une partie de sa dimension de critique sociale - que s’inscrit la littérature posthumaniste

L’élaboration de ces textes littéraires recourt aux ingrédients principaux de l’intertextualité, de l’interdisciplinarité, du macabre, du complot, et de la déconstruction de la subjectivité, de la recherche de la perfectibilité et de l’asexualité…

Tout en critiquant les univers du transhumanisme, la littérature posthumaniste sollicite aussi paradoxalement les concepts et le vocabulaire des textes transhumanistes. Le séminaire entend donc étudier les façons dont la littérature posthumaniste française, en développant un rapport critique singulier à ses objets, se différencie des modalités classiques de la littérature de science-fiction et des dystopies en se constituant en genre à part dans le cadre de la littérature contemporaine française. La littérature posthumaniste ne relèverait pas par ailleurs de la fiction d’anticipation mais du registre de la « fiction critique spéculative ». Les récits de fiction posthumanistes seraient donc spéculatifs et critiques. Ils se distingueraient ainsi des récits de science-fiction et des dystopies.

Programme des séances

·        19 novembre 2020

Ø Conférence de Pierre Cassou-Noguès, professeur de philosophie, Université Paris 8 : « Comment nous sommes devenus des psycho-machines » ;

Ø Dialogue avec Pierre Ducrozet, écrivain, dialogue autour des romans L’Invention des corps, Actes Sud, 2017 et Le grand vertige, Actes Sud, 2020

 

·        4 décembre 2020.

Ø Conférence de Paul-Laurent Assoun, psychanalyste, professeur émérite à l’Université Paris VII : « Le fictionnement transhumaniste : la nostalgie du futur et son écriture prothétique »

Ø Dialogue avec Isabelle Jarry, écrivaine, dialogue autour des romans Magique aujourd’hui, Gallimard, 2015 et Contre mes seuls ennemis, Stock, 200

 

·        28 janvier 2021.

Ø Conférence de Jean-Yves Goffi, professeur émérite de philosophie à l’Université Grenoble-Alpes : « Le transhumanisme à la recherche de la perfection » ;

Ø Dialogue avec François-Régis de Guenyveau, écrivain, dialogue autour de son roman Un dissident, Albin Michel, 2017

 

·        12 février 2021.

Ø Conférence de Jean-Paul Engélibert, professeur de littérature comparée à l’Université Bordeaux-Montaigne : « Éthique et mélancolie dans quelques romans du posthumain »

Ø Dialogue avec Anne-Marie Garat, écrivaine, dialogue autour de son roman Programme sensible, Actes Sud, 2013.