Séminaires de recherche

 

Année universitaire 2021-2022 :

« Les récits du posthumain ». Séminaire organisé par Mara Magda Maftei, en partenariat avec les Universités Paris Nanterre, Paris 8, Panthéon Sorbonne et Bordeaux-Montaigne.

Objet :

Et si l’homme du futur était déjà parmi nous ? Pensons à la nouvelle identité humaine, souvent divisée en je (le corps biologique et le vécu de la conscience) et moi numérique reposant sur des opérations de description, sélection de traits et représentation (le roman Comme un empire dans un empire d’Alice Zeniter en témoigne parfaitement).

L’ascendant de l’identité numérique et des biotechnologies déjà à l’œuvre sur le corps biologique produit un changement des pratiques culturelles et des formes d’organisation socio-économiques, en réseau (la communication et l’information renvoyant à de nouveaux types de relations interhumaines fondées principalement sur le moi numérique, ou sur des algorithmes, au détriment de la personnalité effective de chacun).

Nous assistons ainsi à une perturbation dans la manière de percevoir le corps social et à une mutation dans le discours culturel qui intègre désormais la technoscience.

La figure du posthumain est, à certains égards, le nom donné à cette nouvelle manière d’envisager l’être humain et ses récits. Elle constitue même pour certains une nouvelle téléologie après l’effondrement des « métarécits de légitimation » (Jean-François Lyotard).

Reste le questionnement qui porte sur la valeur à accorder à cette nouvelle biopolitique de l’Homme modifié, autonome (Nick Bostrom) et ainsi capable de prendre son destin en main, de revoir son corps afin de le convertir en un outil de « production biopolitique » selon l’expression de Michel Hardt et d’Antonio Negri.

Un nombre de plus en plus important d’ouvrages de fiction s’inspirent de cette potentielle modélisation de l’être humain, favorisée par la compatibilité du transhumanisme avec le néolibéralisme.

La fiction posthumaniste, assignable au « posthumanisme philosophique et culturel » (Hava Tirosh-Samuelson), interroge ce transfert d’une ontologie de l’humain vers l’ontologie d’un humain transformé.

Quelles stratégies narratives les auteurs mettent-ils en œuvre pour s’y confronter ?  Entre dystopie et science-fiction, quelles alertes et quelles questions adressent-ils à leurs lecteurs ?

 

Fonctionnement :

Ce séminaire se propose d’écouter, lors de ses quatre séances, un universitaire et un ou plusieurs écrivains français. 

Les écrivains invités spéculent sur une information théorisée par les idéologues transhumanistes et le plus souvent critiquée par les philosophes.

Les points de vue des écrivains ne divergent pas toujours fondamentalement de ceux des philosophes mais leurs fictions s’adressent à un public plus large et se construisent quelquefois en réponse au « catastrophisme » déploré par les théoriciens et associé aux conséquences directes des politiques néolibérales et de la course de vitesse technologique dans la société occidentale. Certains romans renvoient aux modifications du corps humain (Gaëlle ObiéglyUne chose sérieuse), d’autres interrogent les modes de subjectivation propres à notre modernité posthumaniste (Camille Espedite, Cosmétique du chaos). Marie Darrieussecq examine un être humain confronté à ses propres pièces interchangeables (Notre vie dans les forêts, 2017) ou débarrassé de tel ou tel aspect de la condition humaine (Pas dormir, 2021). Les littératures à contraintes inspirées de l’Oulipo et la littérature Queer proposent aussi une vision du nouvel homme nouveau (Anne F. Garréta, Sphinx et Pour en finir avec le genre humain).

Nos invités universitaires s’intéresseront à l’universalité littéraire et philosophique de la figure du posthumain. Ils analyseront l’impact du posthumanisme sur les diverses structures narratives ainsi que les thèmes que s’approprient les écrivains, en particulier dans les aires francophone et anglophone.

Ils interrogeront aussi la « normalité » de notre société qui légitime l’ontologie du devenir de Deleuze ou les « techniques de soi » (Michel Foucault) permettant aux individus d’effectuer des « opérations sur leur corps et leur âme, leurs pensées, leurs conduites, leur mode d’être ; de se transformer afin d’atteindre un certain état de bonheur, de pureté, de sagesse, de perfection ou d’immoralité »[1].

 

Séances de 14h à 17h

·        Première séance L'identité, l'intime et le sexe dans la fiction posthumaniste

Co-animateurs Mara Magda Maftei et Emmanuel Picavet (Professeur, Université Panthéon Sorbonne) - 16 Décembre 2021 

Marika Moisseeff (Directrice de recherche CNRS), Une lecture anthropologique de quelques récits sur le posthumain

Camille Espedite, Cosmétique du chaos, Éditions Actes Sud, Paris, 2020

 

·        Deuxième séance : Autour du « corps » posthumain 

Co-animateurs Mara Magda Maftei et Emmanuel Picavet21 Janvier 2022

Jean-Michel Besnier, Professeur émérite, Université Paris-Sorbonne

Virginie Tournay, (Directrice de recherche CNRS), autrice du roman Civilisation 0.0, Éditions Glyphe, Paris, 2019 

Gaëlle ObiéglyUne chose sérieuse, Éditions Verticales, Paris, 2019

 

·        Troisième séance : Fractures sociales, fractures de l'humain

Co-animateurs Mara Magda Maftei et Jean-Paul Engelibert (Professeur, Université Bordeaux-Montaigne) – 25 Mars 2022

Dominique Kunz Westerhoff, Professeure, Université de Lausanne, Posthumaine: l’affranchissement par l’hybridation?

Marie Darrieussecq, Notre vie dans les forêtsÉditions P.O.L, Paris, 2017 ; Pas dormir, Éditions P.O.L., Paris, 2021

 

·        Quatrième séance, Un nouveau grand-récit : la modélisation de l'être humain 

Co-animateurs Mara Magda Maftei et Emmanuel Picavet (Professeur, Université Panthéon Sorbonne)  - 12 Mai 2022

Hélène Machinal, Professeure, Université de Bretagne Occidentale, Le posthumain : émergence d'un paradigme

Anne F. Garréta (Research Professor – Duke University), autrice du roman Sphinx, Grasset, Paris, 1986 ; Pour en finir avec le genre humain, Éditions François Bourin, Paris, 1987

 

Séance de 13h à 16h

·        Co-animateurs par Mara Magda Maftei et Dominique Viart (Professeur, Université Paris Nanterre) - 20 mai 2022

Jean-Gabriel Ganascia, Professeur, Sorbonne Université, auteur de l’ouvrage Servitudes virtuelles, Éditions du Seuil, Paris, 2022

Alice Zeniter, autrice du roman Comme un empire dans un empire, Éditions Flammarion, Paris, 2020

 

 



[1]Michel Foucault, Dits et écrits, tome II : 1970 – 1975, Éditions Gallimard, « Bibliothèque des sciences humaines », Paris, 1994, p. 1604.